L’école inclusive en panne
Le droit à l’éducation pour tous les enfants, y compris ceux en situation de handicap, est
un droit fondamental reconnu par diverses législations internationales et nationales. La
diversité des élèves est une richesse et non un obstacle.
Ainsi, garantir à chacun les mêmes opportunités de réussite, en tenant compte des
différences et en apportant des réponses adaptées aux besoins éducatifs particuliers
est au cœur du projet de l’école inclusive et dépasse largement le champ du handicap.
Véritable projet de société, l’école inclusive s’inscrit dans les grandes avancées
sociétales pour toujours plus de justice sociale, d’égalité des chances, de mixité et de
cohésion sociale.
Mais dans sa forme actuelle, notre école inclusive fonctionne mal et, dans certains cas,
ne fonctionne tout simplement pas. Les progrès législatifs de ces dernières années vont
dans la bonne direction, en garantissant à tous les élèves en situation de handicap un
accès à l’éducation sans discrimination. Cependant, la réalité sur le terrain est tout
autre. La souffrance de la communauté enseignante, et parfois des élèves et de leur
famille, est bien réelle. Faute de moyens suffisants, cette école est très souvent mal
comprise et subie.
Pour bien saisir les enjeux, revenons sur quelques dates essentielles :
Depuis 2005, la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la
citoyenneté des personnes handicapées affirme “le droit de tout élève en situation
de handicap à accéder à l’éducation”. Elle apporte des avancées majeures.en
définissant notamment la notion de handicap et la mise en place des Maisons
Départementales des Personnes Handicapées (MDPH) qui permettent de regrouper
des instances qui étaient jusqu’ici disjointes.
C’est en 2013, avec la loi (dite Peillon) d’orientation pour la refondation de l’école de la
République que le terme d’école inclusive apparaît pour la première fois. Elle reconnaît
que “tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser” et veille
à “l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction”.
Quant à la circulaire d’août 2015, elle permet la création des dispositifs ULIS (Unité
localisée pour l’inclusion scolaire) qui remplaceront les CLIS (classes pour l’inclusion
scolaire) passant ainsi d’un système ségrégatif à inclusif.
Puis, la circulaire de 2019 institue dans chaque académie et chaque département un
service de l’École incluse ainsi que les pôles inclusifs d’accompagnement localisés
(PIAL) et renomme les AVS en AESH.
Cependant, force est de constater que les moyens nécessaires pour appliquer
correctement les lois sont très loin d’être satisfaisants.
Bien que les enseignants fassent preuve de bonne volonté, ils ne sont ni suffisamment
formés ni équipés pour gérer la diversité des profils dans des classes souvent
surchargées. Il en résulte des fonctionnements de classe parfois chaotiques où il est
impossible aux collègues d’offrir un accompagnement adéquat aux élèves ayant des
besoins éducatifs particuliers. Ces derniers se retrouvent à suivre des enseignements
inadaptés, avec des rythmes inappropriés. Ces situations conduisent certains
enseignants à rejeter l’idée même de l’école inclusive.
Les Accompagnants des Élèves en Situation de Handicap (AESH), censés jouer un rôle
essentiel, sont en nombre insuffisant. Ceux qui sont en poste se retrouvent débordés,
mal formés et sous-payés, ce qui impacte l’efficacité de leur soutien. Comment un seul
AESH pourrait-il répondre aux besoins spécifiques de plusieurs élèves ?
Des solutions existent pour faire en sorte que l’école inclusive fonctionne correctement.
Actuellement, la formation des enseignants est presque inexistante, alors qu’elle est
essentielle pour réfléchir, repenser et adapter nos pratiques éducatives et
pédagogiques. Il est donc indispensable de prévoir des temps de formation
institutionnels conséquents, intégrés dans le temps scolaire, d’une durée de plusieurs
dizaines d’heures. Sans en faire des enseignants spécialisés, chaque enseignant
pourrait, par exemple, voir ou revoir les différentes théories d’apprentissage, être formé
sur le handicap et sur les différents troubles des apprentissages (Dys, TDAH, TSA…),
être informé sur les apports des neurosciences dans le champ éducatif….Ces
formations permettraient de fournir à tous les outils intellectuels et pédagogiques
nécessaires pour répondre aux besoins de tous les élèves et relever les défis de
l’inclusion.
Parallèlement, cela doit être accompagné par une baisse conséquente des effectifs de
classe. Comment dispenser une différenciation pédagogique de qualité lorsque l’on a
25 voir 30 élèves par classe ?
Notons que cette baisse des effectifs de classe ne pourra se faire que si l’on se décide
à recruter davantage d’enseignants, à mieux les former et à mieux les payer.
Les difficultés rencontrées par l’école inclusive révèlent en réalité les problèmes
structurels de notre système éducatif. Depuis plusieurs années, la France voit sa
position dans le classement PISA reculer régulièrement, tandis que le niveau des
élèves diminue et que notre système scolaire creuse les inégalités. Selon les matières,
la France se situe entre la 15e et la 29e place parmi les pays de l’OCDE. Cette situation
est inacceptable. Il est urgent de remettre l’école au cœur des priorités et de lui
accorder les moyens nécessaires. Sans cela, le beau projet de l’école inclusive ne
pourra jamais se concrétiser.

La panne de l'école inclusive

La panne de l'école inclusive